Nous construisons progressivement un corpus de ressources, de récits et d’outils à mettre à disposition de quiconque souhaite: sortir des logiques punitives, guérir ou transformer les blessures individuelles et collectives, se passer tant que possible de la police et de la justice pénale, et se sentir moins démuni·e et isolé·e dans les situations d’abus vécues dans son entourage.
Que cherche et propose matrisses?
Ce qui nous importe avant tout
- L’autonomisation de toutes et tous dans la prise en main collective de conflits, abus, agressions et autres préjudices
- Une prise en main pratiquée et partagée selon les principes éthiques portés notamment par la justice transformatrice, qui se passe tant que possible des logiques pénales reproduisant la souffrance et la violence (celles des institutions policière, judiciaire et carcérale)
Ce qu’on en fait
Avec ces deux boussoles en tête, nous menons un travail de recherche, de compilation, de synthèse et de partage de documents, de récits et d’outils. Il nous arrive d’organiser des ateliers et des présentations publiques pour nourrir et nuancer les débats autour de ces questions.
Plus localement, nous aidons parfois aussi l’entourage des personnes ayant commis et subi un préjudice à le prendre en charge collectivement. Ces accompagnements nous permettent en retour de nourrir les outils et les ressources que nous souhaitons mettre à disposition, mais ils ne constituent pas notre activité principale.
Pour le moment, nous nous concentrons principalement sur les situations d’agressions sexistes et sexuelles. Ce choix est dû à notre composition sociale actuelle (blanches de la classe moyenne): nous avons des angles morts et nous voulons limiter l’impact direct de ceux-ci sur les concerné·e·s. L’un de nos axes de recherche consiste à prendre en compte les violences systémiques que l’on ne subit pas, tant dans nos travaux que dans nos pratiques. Mais les violences sexistes et sexuelles sont plus proches de nos expériences vécues, à partir desquelles nous pensons inévitablement.
Au niveau des accompagnements, comment ça se passe concrètement?
Nous rencontrons des groupes à Bruxelles pour les soutenir dans leur processus collectif de prise en main d’une situation d’agression ou d’abus.
Toutes les personnes touchées par cette situation peuvent être inclues dans cette démarche : les personnes cibles et auteur·ices de violence (qu’on appelle la 1ère ligne), leurs proches et leur entourage (2ème ligne).
Nous nous trouvons en troisième ligne, en appui. Nous n’intervenons donc ni en tant que médiatrices ni en tant qu’arbitres. Nous accompagnons les groupes à travers leurs questionnements et leurs difficultés, par une écoute attentive et le partage de documents qui pourraient leur être utiles. Notre objectif est de les soutenir dans leur démarche autonome, et pas d’être garantes d’une solution.
Lors de la première rencontre, nous définissons ensemble le cadre et la durée approximative de l’accompagnement. Nous discutons des questions importantes à se poser quand on se lance dans un tel processus : les intentions, les biais, et les objectifs du groupe, le temps qu’il est disposé à prendre… Nous prenons le temps d’analyser les situations dans leur complexité : condition sociale des personnes impliquées, enjeux de pouvoir, vécus traumatiques, conflits en cours, etc.
Notre travail est bénévole, mais les dons peuvent nous aider à couvrir nos frais.
Qu’est-ce que la justice transformatrice?
La justice transformatrice a été théorisée par Ruth Morris. Elle se base sur quatre principes:
- la prise en compte des besoins des victimes/personnes ayant subi un préjudice
- la responsabilisation de l’auteur ou de l’autrice du préjudice
- la transformation du collectif/de la communauté
- la transformation plus générale des rapports de domination dans la société
Il s’agit donc de reprendre possession des conflits, abus et violences avec une attention particulière portée aux communautés et à la transformation des conditions qui ont permis que le tort soit commis.
Inspirée des pratiques autochtones de peuples colonisés basées sur la réparation plutôt que sur la punition, construite en opposition à la récupération par le système pénal des dispositifs de justice restauratrice/réparatrice, la justice transformatrice est théorisée en Amérique du Nord dans les années 80 et médiatisée dans les années 2000.
Ce concept englobe des pratiques avant tout propres à des personnes/ groupes/ communautés appartenant à des minorités sociales qui ne peuvent se permettre de faire appel à la police et à la justice d’État sans se mettre en danger ou mettre en danger leurs proches (noir.e.s-américain.e.s, queer, travailleur.e.s du sexe, personnes sans papiers, etc.).
Ces pratiques sont des sources d’inspiration dans le but de s’outiller face aux manquements et à la violence des institutions punitives. Nous pensons qu’il est nécessaire de creuser ces pistes, sans prétendre à une solution miracle, unique, applicable à tous les cas.